10 propositions pour moderniser la gouvernance hospitalière
Les propositions formulées ci-dessous sont le fruit d’un travail pluridisciplinaire. Pendant 5 mois, nous avons interviewé des professionnels et acteurs des hôpitaux afin de faire un inventaire des points de blocages et axes d’amélioration concernant la prise de décision à l’hôpital.
Nous avons ensuite synthétisé et hiérarchisé leurs réponses, pour aboutir à 10 propositions visant à moderniser gouvernance hospitalière en France. Nos réflexions poursuivent plusieurs objectifs qui se recoupent parfois :
Renforcer l’attractivité de l’hôpital public pour recruter et pérenniser les agents ;
Redonner du sens aux professionnels à l’hôpital ;
Mieux intégrer les soignants dans la prise de décision ;
Favoriser la communication et la coopération entre les acteurs.
Elles peuvent être regroupées en trois axes :
Valoriser l’humain et la dynamique d’équipe ;
Renforcer la place des soignants dans la gouvernance ;
Apporter de la flexibilité et améliorer l’attractivité.
I. Valoriser l’humain et la dynamique d’équipe
Proposition 1. Créer une nouvelle valence hospitalière autour du « management »
Formaliser le « management » en 4ème colonne de l’hôpital public (en plus du soin, de la recherche et de l’enseignement). Cela implique la création ou l’identification de formations dédiées, une grille de rémunération spécifique conséquente pour les activités managériales exercées, et un temps dédié pour les agents concernés. De nombreuses personnes exercent déjà ces missions, sans que celles-ci soient suffisamment reconnues. Sa reconnaissance serait un levier d’attractivité pour l’hôpital public, car recherchée par certains soignants, avec des qualifications acquises constituant un atout pour des évolutions de carrière.
Proposition 2. Créer un poste de coordonnateur du service
Décloisonner les 3 branches professionnelles - médicale, paramédicale et administrative - à l’échelle des services ou des pôles, selon des modalités définies localement. Cela peut se traduire par exemple, par la création d’un coordonnateur de service : nommé par le chef de service, c’est un hospitalier (issu du soin ou administratif), formé au management, qui consacre de son temps à la gestion d’équipe. Il sert également de relai entre le service et le département RH de l’hôpital. Le chef de service conserve lui ses missions stratégiques relatives aux soins, aux projets scientifiques du service, et à l’enseignement médical.
Proposition 3. Améliorer l’intégration des internes / étudiants en santé
Créer dispositif d’“interne-buddy” et d’“interne référent” pour améliorer l’intégration des internes/étudiants en santé. L’interne-buddy - choisi parmi les médecins ou paramédicaux du service - a pour fonction d’accueillir les internes, d’assurer leurs repos de garde, d’apporter une aide dans la résolution de conflits, et de faire la jonction avec les responsables administratifs et médicaux. L’interne-référent - choisi parmi les internes - occupe la fonction « miroir » du précédent, en permettant la remontée des difficultés et s’assure du respect des conditions de travail. L’interne- référent est une fonction complémentaire à celle du représentant des internes au sein de la CME, mais à un échelon plus proche du terrain, au niveau du service ou du pôle. Cette proposition est un exemple extrapolable à l’ensemble des étudiants en santé (infirmiers, aides-soignants, etc.).
Proposition 4. Créer un outil collaboratif de remontée d’information
Développer un outil numérique de communication interne, pour améliorer la remontée d’information et la participation du personnel aux décisions hospitalières. Le personnel pourrait y être sollicité dans la vie de l’hôpital, remonter les situations à risque (harcèlement, « burn out »), participer à des questionnaires/sondages proposés par la direction ou leur manager, afin que leurs ressenti et point de vue soient mieux intégrés dans la prise de décision.
II. Renforcer la place des médecins dans la gouvernance
Proposition 5. Revoir le mode de désignation des chefs de service / de pôle
Modifier les modalités de désignation du chef de service, pour mieux impliquer les soignants dans la désignation de leurs chefs. Les candidatures se feraient sur projet médical (en cohérence avec le projet d’établissement), avec objectifs de fin de mandat. La prérogative de désignation du chef de service serait définie localement, afin de répondre aux problématiques spécifiques rencontrées sur le terrain. Elle pourrait par exemple revenir au président de la CME, pour faire l’objet d’une élection au sein du service. Enfin, les mandats seraient limités à 4 ans, renouvelable sur avis de la CME au regard des objectifs réalisés, mais aussi révocable par la CME ou par le directeur d’hôpital en cas de manquement aux obligations.
Proposition 6. Revoir le recrutement et la nomination des Directeurs d’Hôpitaux
Diversifier le mode de recrutement de l’EHESP en augmentant drastiquement la part d’élèves issus du 3ème concours, sur le modèle de l’École de Guerre. En parallèle, nous proposer de faire évoluer l’accès aux postes de direction, chef d’établissement compris, à tous les profils pertinents à ces responsabilités, dont des "non-DH". Cela passerait par une modification du fonctionnement du CNG, en supprimant le rôle joué par les syndicats et en donnant plus de poids aux personnels déjà impliqués dans leur établissement, avec des candidatures sur projet médical, et des objectifs fixés sur un mandat. Enfin, nous proposons de supprimer le statut de « corps » des directeurs d’hôpitaux, dont le maintien du statut ne semble pas plus justifié que celui des grands corps accessibles après l’ENA, et constitue un frein aux besoins de mutation du secteur.
Proposition 7. Médicaliser la stratégie hospitalière
Renforcer le rôle des médecins dans la stratégie hospitalière, en réformant les Directoires déjà existants en Comité Stratégique. Le Comité Stratégique inclut tous les chefs de service (ou de pôle selon la structure), le Président de la CME, le Président de la CSIRMT, et le Directeur d’Hôpital. Sa Présidence est assumée par le Président de la CME, et la Vice-Présidence par le Directeur d’Hôpital. Le Comité est chargé d’élaborer et suivre les grandes orientations stratégiques de la structure. Le Comité peut arrêter une part du budget destinée en autonomie aux services (ou aux pôles), selon le principe de subsidiarité. Le Comité peut également créer d’autres instances chargées de missions particulières, et leur déléguer un budget spécifique.
III. Apporter de la flexibilité et améliorer l’attractivité
Proposition 8. Création d’un « flexi-budget » de service
Allouer une enveloppe “petit budget”, gérée directement à l’échelle du service, pour répondre rapidement et efficacement aux besoins du quotidien. Cette proposition permettrait aussi de développer et répondre aux demandes d’autonomisation et de responsabilité des équipes.
Proposition 9. Encourager l’innovation organisationnelle à l’hôpital
Créer une instance, disposant d’un budget propre, et dédiée à l’incubation et la promotion de projets innovants, accessible au personnel. Nous proposons que l’instance en question soit dédiée spécifiquement à cette mission, et que ses membres soient désignés par le Comité Stratégique sur la base de compétences spécifiques, sans cumul possible avec d’autres fonctions hiérarchiques au sein de l’établissement, l’objectif étant d’offrir une voie alternative à l’élaboration de projets et d’éviter les freins hiérarchiques en court-circuitant l’organigramme pyramidal de l’établissement.
Proposition 10. Créer une plateforme nationale de recrutement pour l’hôpital public
Créer une plateforme unique d’offre d’emploi au sein de la fonction publique hospitalière, où pourraient figurer : les attributs du service ou de la structure (centre de référence, polyvalence d’activité, etc.) ; la possibilité de participer à des projets de recherche hospitalière ; la qualité du plateau technique et l’accès à l’innovation (imagerie de pointe, etc.) ; les opportunités en termes de formation continue ; les avantages en nature liée à l’exercice au sein de la fonction publique ; la possibilité de participer aux instances de décisions de la structure (CME etc.). Ces différents éléments sont des leviers d’attractivité et gagneraient à être mieux valorisés par les établissements publics.
Les membres de LAM qui ont participé à ce travail :
Louis ANJOU, Axelle AYAD, Martin BRENIER, Martial JARDEL, Guillaume MARTIN, Pauline MARTINOT, Dinh-Phong NGUYEN, Camille PETRI, Raphaël VEIL.
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