Vision et propositions pour la refondation de la Santé Publique
Introduction
Les propositions formulées ci-dessous sont le fruit d’un travail effectué à l’été 2021 en réponse à
la sollicitation de la mission ministérielle confiée par Olivier Véran au professeur Franck Chauvin.
Ces propositions s’inscrivent dans une réflexion plus détaillée, disponible dans le rapport complet, et qui s’articule autour de trois axes :
Élargir la vision du système de santé pour tenir compte de l’ensemble des déterminants de la santé (socio-économiques, environnementaux, culturels) et dépasser la seule offre de soin.
Dynamiser le cadre institutionnel pour tenir compte du caractère intersectoriel des questions de santé.
Enrichir la vision de la santé publique française pour que les secteurs académiques et opérationnels collaborent et dans le cadre d’une stratégie plus cohérente.
Elles peuvent être regroupées en trois axes :
Valoriser l’humain et la dynamique d’équipe ;
Renforcer la place des soignants dans la gouvernance ;
Apporter de la flexibilité et améliorer l’attractivité.

I. Trois propositions principales et structurantes
Proposition I. Intégrer le concept de santé dans toutes des politiques publiques
Se doter d’une instance nationale capable d’éclairer les différents échelons exécutifs (nationaux et locaux) sur leurs marges de manœuvre et les leviers dont ils disposent en matière de santé publique. Son regard devra se concentrer sur les différents déterminants de la santé autres que l’offre de soins, (environnement, contexte socio-économique, comportements individuels, etc.), pour donner un éclairage sanitaire aux ministères et/ou d’exécutifs territoriaux responsables d’autres secteurs (logement, travail, transports et mobilités, urbanisme, agro-alimentaire, éducation, etc.). Son rôle sera de répondre à des saisines ministérielles voire territoriales, ou s’autosaisir sur des questions jugées importantes, et rendre des avis d’experts sur les conséquences sanitaires prévisibles des différentes politiques publiques menées. L’objectif est de fournir aux décideurs publics une grille de lecture sanitaires de leurs politiques.
Systématiser les évaluations d’impact sanitaire (au même titre que socio-économiques et environnementales) des nouvelles lois.
Proposition 2. Mettre en place un véritable dispositif de pilotage de crise en matière civile
Capitaliser sur l’expérience du conseil de défense, par un dispositif interministériel décisionnel (permettant un déploiement opérationnel plus cohérent), présidé par le Président de la République ou le Premier Ministre selon le niveau d’alerte, et mobilisant les ministres et directeurs d’administration et d’agences concernés.
Appuyer le dispositif décisionnel sur un organe d’état pérenne, regroupant des compétences de logistiques et de communication de crise, et qui mobiliserait des expertises techniques et scientifiques spécifiques en fonction de la nature de la crise.
Proposition 3. Engager enfin un virage de la prévention et de la promotion de la santé de façon opérationnelle
Renforcer la qualité et l’accès à des formations autour de la mise en œuvre d’une intervention en santé publique, notamment auprès des étudiants en service sanitaire, en service civique, mais également dès le plus jeune âge. Étendre ces dispositifs aux équipes administratives. Diversifier les supports de transmission : MOOC, événements de santé publique grand public.
Proposer un dispositif pérenne d’évaluation des interventions de prévention et de promotion de la santé, sur le modèle de l’évaluation des produits de santé.
Valoriser les initiatives d’actions de santé publique, quels qu’en soient les acteurs, de plusieurs façons : mise en avant institutionnelle, concours et prix, crédits académiques pour les étudiants, avantages spécifiques pour les salariés, etc.
Mettre en place une gouvernance et d’un pilotage clair, pluridisciplinaire (administratif, scientifique des secteurs public et privé, citoyens volontaires) et pérenne capable de suivre le déploiement de la stratégie de prévention et de promotion de la santé.
Capitaliser sur le service sanitaire et augmenter son efficacité le structurer :
▪ Rendre validant un MOOC (Massive Open Online Course) national, créé de manière interdisciplinaire, agrégeant les apports théoriques, et également pratiques des interventions en santé publique, notamment en y apportant les retours terrains et témoignages des équipes sur tout le territoire et en dehors de la France.
▪ Ajouter aux deux volets existants (apprentissage théorique, mise en œuvre pratique d’une intervention), un troisième volet consacré à l’évaluation de l’action mise en place, un quatrième volet sur les sciences comportementales appliquées à la santé et aux messages de promotion de la santé, ainsi qu’un cinquième volet sur les techniques de communication et de diffusion de ces interventions.
▪ Mettre en place un concours des meilleurs résultats afin capitaliser sur les succès.
▪ Améliorer la cartographie des interventions en santé publique déjà existante (OSCAR), en y adoptant une approche “user-friendly”, permettant une utilisation plus pratique de la plateforme de transfert des compétences sur le territoire autour des projets de service sanitaire évalués.
▪ Proposer et valoriser un équivalent du service sanitaire en formation continue, pour les soignants déjà en activité.
II. Autres propositions isolées
Concernant certains déterminants de santé
Encadrer plus strictement la vente d’alcool et de produits nicotiniques aux mineurs Lutter contre la sédentarité et le manque d’activité physique dès l’école par l’augmentation du temps scolaire dédié à l’activité physique (en continu, tout au long de la journée)
Réduire les inégalités d’accès aux informations en investissant dans la démarche “aller vers” pour atteindre les populations les plus éloignées des messages de prévention et de promotion de la santé (exemple de bus Marsoins en Loire Atlantique)
Renforcer les messages de prévention sur l’alcool, le tabac et les drogues au cours de la grossesse
Encourager les démarches vertueuses et les initiatives de promotion de la santé dans le secteur privé en valorisant publiquement les entreprises qui s’y engagent
Concernant la formation en santé publique
Structurer les filières de formation en santé publique, et compléter l’offre existante (essentiellement administrative) par des filières plus opérationnelles
Augmenter l’attractivité pour la santé publique et développer une ambition autour de la richesse de la multidisciplinarité en santé, en protégeant d’une part la spécificité des parcours et des formations initiales de chacun tout en enrichissant les domaines d’expertises en formation continue
Intégrer, dans les cursus communs de type 1ère année de master, des cours de communication et de pédagogie auprès du public
Concernant l’expertise en santé publique
Permettre aux experts travaillant en institution (gouvernement, agences, etc.) d’enrichir leur pratique quotidienne par des activités terrain en lien avec les populations cibles des projets qu’ils mènent
Développer une culture du “faire avec” en sensibilisant et encourageant les équipes administratives à utiliser les méthodologies de design thinking et de psychologie des organisations dans l’ensemble de leurs démarches et projets
Simplifier les démarches de déclaration de lien d’intérêt pour les experts, centraliser et tenir à jour un annuaire national commun
Concernant la veille sanitaire
Informatiser tout le circuit de remontée d’information, en capitalisant sur les outils développés avant et pendant la crise. Le recours au dispositif des Entrepreneurs d’Intérêt Général (EIG) permettrait de recruter les profils adaptés pour conduire ce genre de transformation
Fixer un objectif “Zéro papier 2025” au sein de Santé Publique France
Concernant les données de santé
Implémenter des plateformes de lien entre les données des différents secteurs ministériels - dépassant le cadre des données de soin (par exemple, les données de santé et éducation, santé et travail, santé et agriculture etc)
Compléter les données nationales de santé, issues du système de facturation, par des données cliniques structurées, notamment issues du secteur libéral et de la biologie médicale, afin de pouvoir déployer plus largement de nouveaux modes de rémunération des professionnels et de nouveaux modes de financement des structures, basées notamment sur la performance (P4P), la qualité des soins, la pertinence des soins, et la coordination entre les professionnels
Mettre en avant l’open data en valorisant les partenariats publics-privés
Les membres de LAM qui ont participé à ce travail :
Louis ANJOU, Axelle AYAD, Marielle BOUQUEAU, Thomas CANTALOUP, Isaac DÉSVEAUX, Guillaume MARTIN, Pauline MARTINOT, Yann MASSART, Camille PETRI, Julian ROZENBERG, Raphaël VEIL.
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